L'affiche américaine

Mission To Mars
Le réalisateur
Les acteurs
Photos N°1 : Dans l'espace
Photos N°2 : Ballade martienne
Autour de "Mission To Mars"

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Ballet en apesanteur














Étrange lueur


















La montagne évoquant un visage humain entre en éruption

LA MUSIQUE DE MISSION TO MARS

Musique composée, orchestrée, dirigée et produite par Ennio Morricone


n parle souvent de Brian De Palma comme le cinéaste du cadrage et des plans séquences, mais on oublie souvent de dire que ce réalisateur donne aussi une importance capitale à l’ouïe sœur aînée de la vue.

Dans Blow Out (1981) par exemple, le héros est preneur de sons et résout un mystère à travers les sons qu’il a capturés. Sur un plan purement musical, De Palma a été jusqu’à mettre en scène une comédie musicale en 1974 intitulée Phantom of the paradise. Il a aussi et surtout travaillé avec quelques-uns des plus grands compositeurs de l’écran, Bernard Herrmann, John Williams, Ruychi Sakamoto, Danny Elfman et Ennio Morricone avec qui il a fait The Untouchables (Les Incorruptibles, 1987), Casualties of War (Outrages de guerre, 1989) et, cette année, Mission To Mars (à ne pas confondre avec Mission : Impossible (1996) et The Mission (1986), malgré les points communs qui unissent ces différents films).

Ce qui apparaît dès le début du film, dès cette chanson enlevée, c’est le jeu autour du contre-pied musical : le ton de la musique en désaccord avec ce à quoi on s’attend d’un film traitant de Mars. La lenteur de la musique allant aussi contre l’action (plage 8 du disque), les solos de flûte (11) en contrepoint de l’infiniment grand. Morricone emploie de plus un orgue d’église (plage 6) en décalage avec les effets spéciaux ultramodernes des images. Le déplacement cérémonial ainsi créé est un mouvement parallèle au corps du film, un " body double ", un satellite musical gravitant autour des images.

Point de mire funeste et hypnotisant pertinent finalement avec l’esthétique circulaire du film. De Palma revendique souvent dans ses entretiens sa tendance à mettre une distance entre le spectateur et le film, il n’aime rien tant que faire réagir celui qui regarde et qui écoute. La composition digne et parfois grandiose (plage 2) de Morricone, mais pour certains gênante, est en réalité paradoxalement cohérente et ancrée avec le film : elle est réflexive. Il est si rare aujourd’hui que des partitions originales de film parviennent à se faire entendre malgré l’inflation des effets spéciaux sonores.

Enfin une partition de film en dehors des sentiers battus, elle ouvre une brèche dans la pellicule (l’affiche et l’histoire du film décrivant aussi une brèche).

Autre emploi intéressant d’instrument : la trompette. Patriotique apparemment, ou moyen de comparer la conquête de Mars à la conquête de l’ouest. Il faut surtout se rappeler ici de l’origine de la trompette (le film traitant de l’origine et de l’enfance), ancêtre d’un ancien instrument juif appelé le " schofar ". Le schofar produisait selon un certain ordre de succession, des sons qui invitent, qui appellent. Or, on apprend dans le film que les sons du typhon martien est en fait une invitation, l’énigme du film reposant entièrement sur un problème sonore à résoudre une répétition de trois tons). La trompette retentit aussi sur le Mont Sinaï, au moment de la révélation divine (Mission To Mars parlant justement de révélation spirituelle). Le schofar servait également à égayer les marches dans le désert (le désert martien étant un vrai personnage dans ce film). Le schofar, enfin, annonçait leur liberté aux esclaves, et Morricone d’utiliser comme par hasard la trompette lorsque les astronautes sont attachés les uns aux autres dans l’apesanteur, captifs de l’espace (plage 8).

Pas de pléonasme musical ici mais est-il possible au cinéma de façon générale ? N’est-ce pas là le pire cliché du débat autour de la musique de film que de parler de musiques pléonastiques au cinéma ? Il existe le monde du cinéaste et celui du compositeur. Ce dernier ne peut qu’apporter ce qu’il est au fond sur les images. Il est humainement impossible pour un compositeur d’exprimer les mêmes idées et sentiments que les images imaginées par un réalisateur à la sensibilité et à l’intellect uniques. Morricone nous rappelle sans cesse cette évidence à travers la démonstration d’indépendance de toute musique pourtant ici au plus près des images et des sons.

Pour bien saisir MISSION TO MARS, il faut comprendre " le style Morricone ". Refus du leitmotiv à la Max Steiner. Inspiration latine. Expérimentation musicale. Morricone, tout comme De Palma, s’amuse ici à expérimenter, à jouer tel un enfant avec des instruments, ses jouets célestes (plage 4). Parfois même, l’auditeur a l’impression d’entendre un orchestre chauffant leur instrument avant le début d’un concert (une autre manière de stimuler chez le spectateur un sentiment d’origine). L’atonalité de cette partition rappelle par moments Le Sacre du Printemps de Stravinsky (évoquant le combat allégorique entre l’Homme et la Nature). Car, en effet, le bouillonnement de la vie est aussi au centre de la musique de Morricone. D’ailleurs, le disque démarre sur des battements de cœur et le générique de fin du film se conclue sur ces mêmes battements de cœur - parties inhérentes de la composition musicale de MISSION TO MARS.

Partition aussi importante selon moi que celles de CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND (Rencontres du troisième type, 1977), COCOON (1985), ou THE ABYSS (Abyss, 1989) pour ne citer qu’elles.

La musique de Morricone dans ce film est profondément moderne par ses mélanges variés et colorés de sons et de tonalités (utilisation du chœur, du synthétiseur, du tutti et du solo) et par ses mélanges d’influences musicales (de Bach à Verdi en passant par la musique contemporaine).

Avec Sergio Leone, Morricone décrivait l’inconscient des personnages et tout ce qui est terré dans l’invisible et l’immobile. Sa musique a toujours été révélation et révélateur poétiques, rôles principaux de la musique au cinéma. On vilipende Morricone sous prétexte qu’il se répète, mais la définition même d’un style et d’un grand artiste, c’est précisément l’affirmation acharnée de celui-ci à explorer un univers unique et personnel. " Le style est l’homme même. " disait Buffon. Qu’est-ce que le style sinon cette " qualité supérieure à l’œuvre d’art, celle qui permet d’échapper au temps " écrivait Stendhal. " Qu’est-ce que l’art ? nous sommes portés à répondre : ce par quoi les formes deviennent style " pensait à juste titre Malraux. Devant le nivellement artistique de ces dernières années, où il y a de plus de plus de talents et de moins en moins de visionnaires, Ennio Morricone est sans doute un des derniers très grands artistes.

Il a déclaré dans un entretien : " Je préfère le mot expérience au mot culture. " Ses œuvres en fait, même si elles font partie de la culture mondiale, sont justement avant tout, des expériences. Expériences physiques, spirituelles et humaines. La musique dans MISSION TO MARS en est l’ultime et sublime témoignage.

Une critique musicale d'Alexandre Tylski

Retrouvez cet article bientôt sur www.musiquedefilm.com

Références du disque : Hollywood Records HR-62257-2, Durée : 62:18)

Autour de "Mission To Mars"

Le site officiel du film : http://movies.go.com/m2m/


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Mise à jour : 10/06/2000